LE DIALOGUE SOCIAL : UNE ARME AUX MAINS DE SARKOZY


9 mois de combat

Depuis son élection, Sarkozy mène une offensive brutale contre les travailleurs et la jeunesse, s’attaquant à tous les acquis, et menaçant toutes les catégories de la population qui subissent jour après jour les conséquences de l’exploitation capitaliste. Il devient fastidieux d’en faire l’énumération.

Depuis cette élection, il ne se passe pas non plus de semaine qui ne soit marquée par des mobilisations, en défense des salaires, contre des licenciements, et en défense des acquis menacés; et rarement la première année d’un gouvernement aura été marquée par une telle série de mobilisations.

Il y eut, à l’automne, les grèves en défense des régimes spéciaux de retraites et la longue mobilisation des étudiants contre la loi d’autonomie des universités (LRU), loi votée durant l’été par la majorité UMP. Dès le début de l’année 2008, ce furent les enseignants et, en masse dans nombre d’académies, les lycéens qui s’engagèrent dans la bataille contre les suppressions de postes et les réformes prévues par Darcos, à commencer la réforme des Lycées Professionnels.

La mobilisation s’étira sur plusieurs mois et marqua toute la situation politique.

Une défaite électorale massive

Cette volonté de résistance à la politique de Sarkozy nourrit les élections municipales, qui se traduisirent par une large défaite des candidats de Sarkozy, ceux de l’UMP mais aussi ceux soutenus par Bayrou.

Pourtant, aucune de ces mobilisations n’a pu, à ce jour, briser l’offensive de Sarkozy. Et celle-ci n’a nullement faibli avec sa défaite électorale. Au contraire, elle s’est poursuivie avec une rare ampleur et, déjà, on annonce les attaques ultérieures, dont 80 000 nouvelles suppressions de postes dans l’Enseignement public pour les quatre ans à venir. Et déjà, après avoir liquidé les régimes spéciaux de retraites et passé tous les travailleurs à 41 années, on annonce que ce ne sera pas suffisant !

Ce n’est pourtant ni faute de résistance, ni faute de vouloir en finir avec ce gouvernement : les sondages confirment, si besoin était, que ce président est ultra minoritaire dans le pays.

Le "dialogue social", contre les revendications et la "démocratie ouvrière"

Qu’est-ce qui permet à Sarkozy de poursuivre et d’accenteur son offensive ? Laissons Sarkozy lui-même répondre à cette question. Le 18 avril, dans le Monde, il affirme que le « dialogue social engagé avec les partenaire sociaux depuis un an est un succès ». Nous devons, dit-il « nous appuyer sur le dialogue social pour mener à bien les réformes dont notre pays a besoin, nous devons le faire en partenariat étroit avec ceux qui représentent les intérêts des salariés et des entreprises (…) la clef du succès réside dans la conjugaison de la détermination et le dialogue (…) le dialogue n’a jamais été aussi dense ni aussi constructif, en France, qu’au cours des derniers mois ».

Faut il des exemples ? La LRU (Loi d’autonomie des universités) fut d’abord discutée par les dirigeants de l’UNEF et des syndicats enseignants, avant son adoption à l’Assemblée. Dès lors, quand les étudiants, à l’automne, engagèrent la grève contre cette loi, ceci malgré les responsables de l’UNEF, ces derniers refusèrent d’en exiger l’abrogation et reprirent les négociations ….avant d’appeler à cesser le combat.

Dans le même temps, à la SNCF, après avoir, au nom de la "continuité du service public", participé à l’élaboration de la loi contre le droit de grève, les dirigeants syndicaux (en premier lieu la CGT) ont négocié, contre les cheminots la liquidation des régimes spéciaux !

Au printemps, alors qu’à la mobilisation des lycéens et des enseignants, Sarkozy répond en annonçant des réformes, et s’attaque aux statuts et au droit de grève, ces mêmes dirigeants ne cessent de s’adresser à Sarkozy, lui demandant "une politique éducative ambitieuse" et des "négociations" : ainsi Darcos, pour imposer l’annualisation partielle des services des professeurs d’écoles, s’est-il appuyé sur les "négociations" concernant la suppressions des cours du samedi matin.

Journées d’action et mobilisations disloquées…

Contre l’aspiration à un mouvement d’ensemble contre Sarkozy et sa politique, ces dirigeants syndicaux ont multiplié les journées d’action, les grèves isolées, séparées.

C’est ainsi que les syndicats d’enseignants laissèrent, des semaines entières, les lycéens se battre seuls avant de disloquer la volonté de combat des enseignants dans des journées d’actions à répétition : après la journée de grève du jeudi 15 mai, qui fut massive, les enseignants furent appelés à manifester à Paris un dimanche. La mobilisation fut encore forte. Puis les mêmes syndicats appelèrent les enseignants à participer, le 22 mai, aux manifestations à propos des retraites…mais sans faire grève ! Ils furent donc peu nombreux à manifester, et moins encore aux nouvelles manifestations convoquées le samedi 24 mai après midi ; on peut donc dire que la démobilisation fut savamment organisée par ces journées d’actions disloquées, organisées parallèlement aux négociations.

Et le pseudo syndicat lycéens Fidl, tenu par le PS et l’UNEF, qui n’avait pas impulsé le mouvement, appela à reprendre le travail et se déclara ravi de pouvoir négocier avec le gouvernement la future réforme des lycées. Mais quelle réforme? Sarkozy fut clair : il veut des réformes qui "diminuent les postes".

…corollaire de la politique de "concertation" avec Sarkozy, et de la "démocratie sociale"

Durant 9 mois, la concertation avec Sarkozy, avec la Medef n’a cessé. Ainsi, l’accord sur la "modernisation du marché du travail" paraphé par les dirigeants syndicaux le 11 janvier remet en cause le CDI. La CGT ne l’a pas signé, mais ses dirigeants ont participé aux négociations et à l’élaboration du texte que le gouvernement s’est empressé de transformer en loi.

De même les accords sur la "représentativité et le développement du dialogue social" officiellement signés le 2 juin par les dirigeants CGT, CFDT et FSU ouvrent la voie à Sarkozy. La loi qui en est issue va entraver l’indépendance syndicale et enfermer les organisations dans le carcan du dialogue social imposé, sur la voie de la cogestion à l’allemande.

Et le 10 juin, les mêmes dirigeants des fédérations de fonctionnaires appelaient à des "rassemblements" devant les préfectures, à des manifestations. Les syndicats d’enseignants n’appelaient pas à la grève… Ce fut un fiasco, voulu comme tel. Le 17 juin, les dirigeants CGT et CFDT appelaient à manifester et à des grèves en se gardant bien de retirer leur signature de l’accord d’avril qui avait ouvert la voie à l’attaque sur le temps de travail… Ils clamaient qu’ils attendaient un million de manifestants. Comme il y en eut beaucoup moins, les médias et le gouvernement purent expliquer que la mobilisation était "mitigée", voire qu’il s’agissait d’un "échec". Le gouvernement pouvait donc poursuivre…La possibilité d’un combat d’ensemble, de la grève générale était ainsi disloquée.

Le rôle du PS et du PCF

Mais les bureaucrates syndicaux ne peuvent être tenus pour seuls responsables. Les dirigeants des partis politiques, ceux du PS, et aussi ceux du PCF, ont pris leur place dans ce dispositif. Ni les uns ni les autres ne formulent aucune alternative politique, ne se déclarent ensemble candidat au pouvoir, sans attendre 2011. Cette absence d’issue politique entrave fortement les mobilisations.

Et les dirigeants du PS, quand ils ne décident pas eux même de soutenir la politique gouvernementale comme ils l’ont fait pour le traité de Lisbonne, laissent leurs députés voter comme ils l’entendent en faveur des projets gouvernementaux. Ainsi 17 députés du PS se sont déclarés prêts à voter le projet de modification constitutionnelle conformément aux besoins de Sarkozy.

Et il faut noter leur complicité dans le soutien à la politique de "dialogue social" louée par Sarkozy. Ainsi, la majorité des élus du PS a soutenu la loi sur la "modernisation du marché du travail" en votant ou en s’abstenant au Parlement. Le PS s’est félicité de la "position commune" sur "la représentativité". Le PCF, lui, propose d’élargir, dans les entreprises, la "participation" des salariés : or, dans le cadre du système capitaliste, cette "cogestion" soumet les salariés aux besoins du capital.

De fait, aujourd’hui, les travailleurs se sentent de plus en plus démunis politiquement : le PS a ainsi, au mépris de ses statuts, fait modifier hors congrès ses principes fondateurs. Il est désormais "partisan" de "l’économie sociale de marché", c'est-à-dire du capitalisme cogéré comme en Allemagne. Quant au PCF, il se nécrose et dépérit inexorablement.

L’alternative politique à Sarkozy et son gouvernement

C’est un grand vide politique qui se développe, que certains entendent occuper rapidement. Ainsi la LCR veut se transformer en nouveau parti anticapitaliste, un parti ni révolutionnaire ni réformiste, non candidat électoralement au pouvoir : l’opposition de sa majesté capitaliste en quelque sorte !

Et pour cet objectif, la LCR commence par sanctionner ses opposants internes… D’autres, issus de différentes organisations, tentent un nouveau rassemblement…

Mais dans tous les cas, la question du programme n’est pas résolue, ni celle de l’alternative politique. Quels que soient les développements à venir au sein du mouvement ouvrier, les crises ou les nouveaux regroupements, il faudra bien formuler une issue politique, une véritable alternative à Sarkozy, ce qui ne peut être fait sans programme. Comment surmonter la confusion inévitable, et permettre que la crise des vieux partis évolue dans un sens favorable aux travailleurs ?

On ne peut donc, même si se constituent de nouveaux regroupements, faire l’économie de construire un Parti révolutionnaire sur un programme clair, dont l’objectif soit d’en finir avec le capitalisme et son État. C’est un tel parti révolutionnaire que le Comité entend contribuer à construire.

Cet objectif étant fixé, il est alors possible de réfléchir à des mots d’ordre politiques transitoires, à une perspective politique immédiate. Et l’exigence la plus immédiate, c’est que le PS et le PCF se déclarent candidat au pouvoir sans attendre 2011 : pour un gouvernement sans alliance avec Bayrou ni aucun bourgeois pour satisfaire les revendications les plus immédiates des travailleurs. Une telle orientation implique de cesser tout soutien à Sarkozy, c'est-à-dire de mettre immédiatement fin au dialogue social.