24 novembre 2002 - Supplément à «Combattre pour le socialisme» n°91 :
À bas la résolution 1441 de l’ONU contre l’Irak !
À bas toutes les résolutions votées par le gouvernement français !
À bas toutes les formes d’intervention impérialiste au Proche et Moyen-Orient !
Le 8 novembre 2002, à l’unanimité, le Conseil de Sécurité de l’ONU – conseil où siège un représentant du gouvernement français – a adopté une nouvelle résolution concernant l’Irak. Cette résolution reprend et aggrave les différentes résolutions votées en depuis 1991, résolutions au nom desquelles les avions américains et anglais bombardent à intervalles réguliers l’Irak depuis douze ans (avec la participation française jusqu’en 1998), et résolutions au nom desquelles est imposé à l’Irak l’embargo économique.
On estime que 500 000 civils, essentiellement des enfants, sont morts de cet embargo. La résolution du 8 novembre votée avec l’appui du gouvernement français ne remet pas en cause cet embargo. Elle ne met pas fin aux bombardements aériens, devenus plus fréquents encore. Elle renforce la tutelle des impérialismes sur l’Irak en décidant " d’instituer un régime d’inspection renforcée dans le but de parachever de façon complète et vérifiée le processus de désarmement établi par la résolution 687 (1991) et les résolutions ultérieures du Conseil ".
PERQUISITIONS ET INTERROGATIONS SANS LIMITES.
Les conditions imposées à l’Irak sont draconiennes. Les inspecteurs de l’ONU (c’est-à-dire des États-Unis et de leurs alliés) pourront " accéder immédiatement, sans entrave, inconditionnellement et sans restriction à la totalité des zones, installations, équipements, relevés et moyens de transport qu’ils souhaitent inspecter. "
Dans les mêmes conditions il sera possible d’accéder à toutes personnes que les inspecteurs voudront entendre, de les interroger " selon des modalités et des emplacements " décidés par les inspecteurs, " dans les pays ou à l’étranger " et, dans ce dernier cas, " faciliter (sic) le voyage à l’étranger des personnes interrogées et des membres de leur famille. " De même les inspecteurs pourront utiliser en Irak tous les véhicules, avions et hélicoptères qu’ils souhaitent, " confisquer et exporter tout équipement, toute matière ou tout document saisi durant les inspections, sans que les membres de la commission et de l’AIEA et leurs bagages officiels et personnels soient fouillés ", etc…
De fait, c’est un pas supplémentaire vers l’instauration d’un protectorat sur l’Irak.
UNE RÉSOLUTION SELON LES BESOINS DE L’MPÉRIALISME AMÉRICAIN.
Nombreux sont ceux qui ont expliqué que cette résolution de l’ONU constituait un " succès " de la diplomatie française qui aurait ainsi empêché une intervention militaire américaine unilatérale. Pour Chirac, cette résolution " offre une chance au désarmement de l’Irak dans la paix ". Ce n’est que mensonge.
D’abord parce que l’étranglement économique de l’Irak et les bombardements anglo-américains se poursuivent. Ensuite parce que les Etats-Unis ont imposé que la résolution laisse la possibilité d’intervenir militairement et de manière massive quand ils jugeront nécessaire et possible en rappelant " les graves conséquences auxquelles [l’Irak] aurait à faire face s’il continuait à manquer à ses obligations. " Deux jours plus après, Condolezza Rice – conseillère de Bush – précisait : " le président George Bush se réserve le droit d’agir dans l’intérêt du peuple américain et de la sécurité intérieure. " Et, pour ce faire, il a obtenu du Congrès américain, le 11 octobre, le droit " d’utiliser la force armée comme il juge nécessaire et approprié. " Ce vote a été acquis avec l’appui du parti Démocrate.
Aujourd’hui, quoique fasse Saddam Hussein, cette résolution permet au gouvernement américain de se rapprocher un peu plus de son objectif : l’instauration d’un protectorat sur l’Irak et l’installation d’un gouvernement à sa botte.
PRÉTEXTES ET MENSONGES POUR UNE GUERRE IMPÉRIALISTE.
Chirac reprend à son compte l’objectif officiel de George Bush : désarmer l’Irak, lui interdire toute arme nucléaire, chimique ou biologique. Or l’armée irakienne a été brisée en 1990/91 et, selon Scott Ritter – ancien chef des inspecteurs des Nations Unies pour le désarmement en Irak de 1991 à 1998 – l’Irak est incapable de représenter la moindre menace, 95% au moins des équipements recherchés par les inspecteurs ayant été éliminé avant 1998. Et Scott Ritter rappelle lui-même qu’en 1998, ce n’est pas l’Irak qui a expulsé les inspecteurs, mais les États-Unis qui " leur ont donné l’ordre de quitter l’Irak après avoir manipulé " les inspections, et recherché l’affrontement militaire.
Autre prétexte avancé par les impérialismes : le caractère policier du régime irakien.
Mais de 1980 à 1988, ce régime fut soutenu militairement par les États-Unis, la France et la Grande Bretagne (avec l’appui de la bureaucratie du Kremlin) pour mener la guerre contre la révolution iranienne. En septembre 1988 encore, George Bush père apportait son soutien politique et financier à Saddam Hussein. Deux ans plus tard l’impérialisme américain, bien qu’averti des projets de Saddam Hussein, laissait l’armée irakienne occuper le Koweït : ainsi était créé le prétexte nécessaire à la première offensive militaire américaine au cœur du Moyen-Orient, en 1991.
CE QUE VEUT L’IMPÉRIALISME AMÉRICAIN.
L’objectif réel du gouvernement américain n’est pas seulement le pétrole irakien. Les États-Unis, et l’ensemble du système capitaliste, sont menacés par une crise financière et économique sans précédent, crise qui pousse l’impérialisme à préparer la guerre. Dans cette situation, l’objectif est de tenter de rétablir l’hégémonie politique et militaire des États-Unis sur tout le Proche et Moyen-Orient : reconstituer un dispositif politique et militaire analogue à celui qui existait avant la chute du Shah d’Iran en 1979, quand l’Iran était le gendarme de l’impérialisme au Moyen-Orient.
Car depuis 1979, en dépit de la guerre permanente conduite contre le peuple palestinien par l’État colonial d’Israël, en dépit de la collaboration des régimes arabes réactionnaires, en dépit de la présence militaire massive des États-Unis, cette région stratégique aux immenses réserves pétrolières (Arabie Saoudite, Iran, etc..) demeure politiquement très instable. L’État d’Israël, bras armé des États-Unis, ne peut suffire à imposer la " pax americana " dans cette région. Les États-Unis doivent intervenir eux-mêmes directement, établir des gouvernements à leur solde en Irak et en Iran, museler totalement les autres régimes alentours. L’intervention militaire en Afghanistan a été une première étape.
La résolution que vient de voter le Conseil de Sécurité marque le début d’une seconde étape, qui vise aussi à briser définitivement toute résistance en Palestine. L’ONU, qui a entériné la création de l’État colonial d’Israël en 1947-48, est le cadre dans lequel coopèrent les impérialismes rivaux, cadre que dominent les États-Unis. Et, comme en 1990/91, l’impérialisme français, après avoir tenté de faire valoir ses propres intérêts au Moyen-Orient, s’est totalement soumis au gouvernement américain. Le fait même de réclamer une résolution de l’ONU impliquait un tel résultat.
LA RESPONSABILITÉ DES DIRIGEANTS DU MOUVEMENT OUVRIER.
Pour les travailleurs, ce qui importe c’est d’abord la position de leurs organisations, partis et syndicats, et de leurs dirigeants. Or, ces derniers se sont totalement alignés derrière Chirac, demandant eux aussi une résolution de l’ONU, et demandant à Chirac d’user si nécessaire de son droit de veto. On a vu le résultat. Et aujourd’hui, ils prétendent s’appuyer sur l’ONU, sa charte fondatrice et les résolutions votées, pour protester contre une intervention américaine en Irak. Mais ils savent que l’ONU, avec la dernière résolution votée, est un instrument au service des impérialismes, et notamment des États-Unis.
En réalité, les dirigeants des partis ouvriers (PS, PCF) et syndicats veulent aider Chirac à défendre les intérêts de l’impérialisme français face aux États-Unis. C’est ainsi que les députés du PCF se sont " abstenus " sur le budget des affaires étrangères pour marquer leur appui à la politique de Chirac. Avec Attac et d’autres associations, ils entendent tous " manifester " contre les guerres, contre les États-Unis. Mais ils se taisent sur le vote par le représentant français de la résolution du Conseil de Sécurité, et continuent de maquiller la fonction fondamentale de l’ONU, agence des impérialismes.
Ouvrir la voie à la mobilisation efficace contre la guerre impérialiste est une nécessité. La première condition est de rompre tout soutien à Chirac, toute collaboration avec l’impérialisme français et avec l’ONU, de rejeter clairement la résolution du Conseil de Sécurité (de même que l’ensemble des résolutions antérieures).
La première responsabilité des dirigeants des organisations ouvrières, c’est de se prononcer clairement, non pas " contre la guerre " en général ou contre " la guerre voulue par les États-Unis ", mais contre la guerre impérialiste, contre toute forme d’intervention impérialiste :