Supplément à " Combattre pour le socialisme " n° 89 - 12 Avril 2002 :
POUR EN FINIR AVEC LES MASSACRES ET L’OPPRESSION COLONIALE EN PALESTINE : QUELLE ORIENTATION ? QUELLE PERSPECTIVE POLITIQUE
?
Le 29 mars, la politique de terreur conduite par le gouvernement israélien
a franchi un nouveau seuil : l’armée israélienne occupe de
nombreuses villes palestiniennes en Cisjordanie, organise rafles et massacres,
bombarde les camps de réfugiés : plus de 200 morts pour la
seule ville de Jénine en quelques jours. Depuis le début
de ce que l’on a appelé la " deuxième Intifada ", en septembre
2000, 1500 Palestiniens ont été tués. Les raisons
données par le gouvernement israélien à ces opérations
militaires sont toujours les mêmes : combattre les " terroristes
", palestiniens ; mettre fin aux " attentats-suicides ". Mais les vraies
raisons ont été données par un membre du gouvernement
il y a quelques semaines : " Tant que les Palestiniens auront de l’espoir,
la terreur ne cessera pas ".
Pour le gouvernement israélien, il faut que les Palestiniens renoncent à tout jamais à leurs droits nationaux; à cette fin, tous les moyens sont utilisés. C’est contre cette politique de terreur que d’importantes manifestations ont eu lieu. Ainsi, à Rabat, un million au moins de marocains ont manifesté le 7 avril. Le Premier ministre qui voulait prendre la tête des manifestants a été chassé : " gouvernement va-t-en, ce n’est pas ta marche " scandaient les manifestants. En France, des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes ont manifesté en soutien au peuple palestinien : 10 000 à Paris le 23 mars, 8 000 à Lyon, des milliers dans diverses villes. Puis de nouveau le 6 avril, : plus de 30 000 à Paris, plus de 10 000 dans différentes villes. Mais quelle est l’orientation des organisateurs de ces manifestations ? quels " droits nationaux " ? Le texte d’appel à la manifestation du 23 mars, commun à une cinquantaine d’organisations, mouvements et syndicats réclamait la " garantie des " droits nationaux pour les Palestiniens " et " l’application des résolutions des Nations Unies ". Le 6 avril, la même orientation est mise en avant : avec le " retrait des troupes israéliennes des territoires occupés " (c’est à dire de ceux occupés depuis 1967), il est demandé l’application des résolutions de l’ONU et une " force de protection internationale pour les Palestiniens ". Ainsi donc, les " droits nationaux " que réclament pour les Palestiniens les organisateurs de ces manifestations, sont ceux définis par les résolutions de l’ONU, c’est à dire les puissances impérialistes, les États-Unis tout particulièrement.. Et il reviendrait à ces puissances d’organiser, une " force de protection internationale ". ce que veulent les puissances impérialistes. Rappelons que ce sont les puissances impérialistes, qui ont, avec le soutien de Staline, décidé la constitution de l’État d’Israël. Cet État est né de la guerre contre le peuple palestinien. Dès 1948, 700 000 Palestiniens durent fuir, leurs terres furent confisquées. Que des européens de religion juive fuyant les pogroms, que des rescapés de la barbarie nazie aient cru trouver en Palestine un refuge possible (les États-Unis refusant pour l’essentiel de les accueillir) ne change rien au problème : dès son origine, l’État d’Israël est un État colonial. Puis, au fil des guerres successives (celle de 1967 n’étant qu’une étape), l’État colonial d’Israël n’a cessé de s’étendre, a été facilité par l’aide apportée par les autres impérialismes, français en particulier,, par la bureaucratie du kremlin et la politique réactionnaire des États arabes de la région, tous soumis, à des degrés divers aux États-Unis. le désarmement politique des palestiniens. Faute de parti révolutionnaire, le combat incessant du peuple palestinien pour reconquérir sa terre, s’exprime d’abord et essentiellement à travers l’OLP, organisation nationaliste petite bourgeoise dirigée par Arafat. Mais, l’OLP, elle-même liée aux gouvernements bourgeois arabes, est allé de capitulation en capitulation. Après la guerre du Golfe, elle finit par accepter l’accord dit " d’Oslo " (signé en réalité à Washington, sous le contrôle du gouvernement américain). Par cet accord, la direction de l’OLP acceptait la spoliation générale des Palestiniens par l’État d’Israël et l’expulsion de la majorité d’entre eux ; elle reconnaissait l’État d’Israël, et sa tutelle sur le Cisjordanie ; elle acceptait de se transformer en police au service d’Israël, l’Autorité palestinienne organisant cette police. Cette capitulation a favorisé le développement d’organisations ultra-réactionnaires, telles le Hamas et le Djihad islamiques. Mais la volonté renaissante de combat des Palestiniens s’est exprimée à l’automne 2000 avec la " seconde Intifada ", au départ mouvement spontané et mouvement de masse. Par contre, le recours aux " attentats-suicides ", est une forme désespérée et individuelle de résistance. Et, depuis quelques mois, certaines fractions du Fatah développent à leur tour ce type d’action. deux " États " ? Les masses palestiniennes persistent néanmoins à refuser le colonialisme sioniste, tentent de résister à l’offensive militaire contre les camps et les villes de Cisjordanie et rejettent avec force les dirigeants qui pactisent avec la puissance coloniale. Face à la guerre permanente que l’armée israélienne mène contre le peuple palestinien, les masses arabes de la région cherchent à manifester leur soutien aux Palestiniens, menaçant ainsi la stabilité des régimes arabes corrompus et inféodés aux Etats-Unis. De ce fait, le gouvernement américain -qui a besoin de l’aide de ces régimes- doit " ménager " ses alliés tels l’Arabie Saoudite et l’Égypte. Il a eu besoin de leur assentiment pour intervenir en Afghanistan, il en aura besoin pour une nouvelle guerre contre l’Irak. Il lui faut donc avancer " un plan " qui rassure ses alliés arabes tout en confortant Israël. Ce plan lancé dès octobre 2001, repris par Shimon Pérès, ministre israélien des affaires étrangères et par les gouvernement français et allemand, puis par une récente résolution de l’ONU est celui de " deux États, Israël et la Palestine, qui vivent côte à côte dans la paix et la sécurité " (selon les termes de Bush le 4 avril) Parallèlement, le prince Abdallâh d’Arabie Saoudite a fait approuver par la ligue des États arabes une proposition de reconnaissance d’Israël en échange d’un retrait militaire de Cisjordanie, proposition reprise par Georges Bush (mais aussi par Robert Hue qui écrit à Chirac pour que ce dernier s’en saisisse…) Pour que soit reconnu un tel " État " de Palestine, Arafat et l’Autorité palestinienne devraient briser eux-mêmes toute résistance et menace contre Israël. un " État "…bantoustan en pièces détachées. De fait, ce nouveau plan est dans le prolongement de l’accord d’Oslo Washington : outre qu’il entérine l’État colonial d’Israël sur la grande majorité de la Palestine, il n’exige même pas le retrait israélien de toute la Cisjordanie occupée depuis 1967 ; celle-ci resterait largement fragmentée par les colonies et leurs infrastructures : 300 000 colons et 200 implantations sur les meilleures terres, avec le monopole de l’eau. Cet État serait " non militaire " (Shimon Pérès le 15 novembre), c’est à dire sous contrôle d’Israël. En relation avec cette perspective, l’armée israélienne met en place des " zones tampon " séparant de manière hermétique des territoires dits " palestiniens " du reste de la Palestine occupée. On appellerait ainsi " État " des enclaves territoriales où seraient enfermés la grande masse des palestiniens : des sortes d’immenses cages à ciel ouvert. Tel est l’actuel plan de l’impérialisme et de tous ceux qui déploient la bannière de l’ONU. Certes, entre les impérialismes, comme au sein du gouvernement israélien, il existe des " tiraillements ", des " marchandages " : le gouvernement de Sharon tente d’aller le plus loin possible dans l’expansion coloniale, aussi loin que lui permet le gouvernement américain. Et les gouvernements de l’Union européenne, français en premier lieu, entendent faire prévaloir leurs propres intérêts en se montrant plus " soucieux " des palestiniens, menaçant Israël de sanctions s’il n’arrête pas sa progression coloniale, tout en sachant qu’Israël n’a de compte à rendre qu’aux Etats-Unis. Mais sur le fond, ils sont tous d’accord : la paix impérialiste au Proche Orient implique que le peuple palestinien renonce à la Palestine et que l’ordre colonial soit préservé. une formidable duperie. Dès lors, exiger " l’application des résolutions des Nations Unies ", ce n’est pas garantir les " droits nationaux pour les Palestiniens ", c’est nier le droit fondamental du peuple palestinien. La " paix " qui en résulterait ne serait ni " juste " et " durable " ; elle bne ferait que préparer de nouveaux coups contre les Palestiniens. On doit le dire : en imposant de tels mots d’ordres aux récentes manifestations, les dirigeants de la CGT, du PCF, de la LCR (comme ceux de LO, des Verts, et d’autres comme la FSU…) détournent la volonté qui s’est massivement exprimée en soutien au peuple palestinien, la canalisent pour les besoins de l’impérialisme, français en particulier. Et c’est la même duperie que d’affirmer le " droit inconditionnel du peuple palestinien à exprimer et à lutter pour les revendications nationales " sans dire explicitement " sur toute la Palestine ", car c’est laisser croire que la revendication nationale palestinienne serait compatible avec les plans de Bush et des impérialismes européens, avec les résolutions de l’ONU, c’est à dire avec le maintien de l’État d’Israël. À bas les résolutions de l’ONU, à bas l’État d’Israël. En France, la solidarité avec le peuple palestinien implique fondamentalement de combattre pour imposer aux dirigeants des organisations ouvrières, partis et syndicats, qu’ils rompent leur collaboration avec les plans impérialistes, ceux de l’impérialisme français en particulier. Qu’ils se prononcent clairement pour : *le droit du peuple palestinien à revendiquer et à combattre pour sa souveraineté sur la totalité de la Palestine *aucune intervention impérialiste au Proche-Orient, y compris sous l’égide de l’ONU ; *sur cette base, qu’ils organisent la mobilisation : manifestation à l’ambassade d’Israël. En Palestine, le combat pour en finir avec le colonialisme israélien n’a d’issue que si les travailleurs et la jeunesse de Palestine peuvent rompre le contrôle exercé par les bourgeoisies arabes -palestinienne incluse-, par leurs organisations réactionnaires. Cela implique la construction d’un parti ouvrier palestinien, aujourd’hui inexistant, d’un parti ouvrier révolutionnaire à même d’impulser le combat pour un État palestinien sur la totalité du territoire de Palestine dans la perspective des États-Unis socialistes du Proche et du Moyen Orient. Le 12 Avril 2002.
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